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Carl Spitteler, Prix Nobel de littérature 1919, IMAGO (Roman), réédition aux Editions Soleil d’encre, Hauterive, 2019

 

Le jeune Victor revient dans la ville de son enfance. Il caresse l’espoir de retrouver Theuda Wyss qu’il avait renoncé à épouser, étant alors sans situation. Depuis elle s’est mariée à un notable et a un enfant. Il tente de la reconquérir. D’abord moqueur avec elle, se couvrant de ridicule, il devient ensuite aimable, et même ami du couple. Theuda, qui l’a rejeté et méprisé dès son arrivée, semble finir par s’éprendre de lui. Un scandale est sur le point d’éclater. Que va faire Victor ?

 

Imago, paru en 1906, passionna Freud qui considérait Spitteler comme un de nos grands poètes contemporains. Le père de la psychanalyse n’était pas le seul (Jung, Nietzsche, Walter Benjamin, Romain Rolland). Avec l’accord de l’écrivain, il donna le titre de son livre à sa première revue. Si ce roman appartient à l’histoire de la psychanalyse, il tient avant tout une place importante dans l’histoire de la littérature fidèle à la tradition allemande où règne la femme interdite. Si la description des émois intenses de l’amour vécu par Victor demeure centrale et magistralement orchestrée, Spitteler ne se prive pas, à travers la peinture de ce village suisse du début du vingtième siècle, de lancer ses piques : Les gens polis sont tous plus ou moins hypocrites (…) Lui un génie ? Certes, un de ces milliers de génies avortés comme chaque famille en a un en réserve (…) Les qualités personnelles ne sont pas des armes à longue portée.

 

Mais qui donc était Carl Spitteler, injustement oublié ? Unique Prix Nobel suisse de littérature (1919), excepté Hermann Hesse, qui l’obtint en 1946, mais qui fut Allemand avant d’être naturalisé Suisse. Né à Liestal en 1845, décédé à Lucerne en 1924, il étudia le droit et la théologie. Cet esprit volontiers voltairien révolté contre Dieu et le destin fut cependant consacré pasteur, mais sans avoir charge de paroisse car il devint précepteur privé durant huit ans à Saint-Pétersbourg. A son retour en Suisse il enseigna les langues classiques, l’allemand, l’histoire. En 1883 il épousa Marie Op den Hooff qui lui donnera deux filles et dont l’héritage leur permettra de mener une existence très aisée, ce qui était loin d’être le cas auparavant. Notre poète fut également journaliste et feuilletoniste, voyageur, conférencier, et ce furent Paris, Budapest, Rotterdam, Rome, Pompéi, Milan, l’Allemagne. Son oeuvre est fort riche : épopées, romans, récits, recueils de poèmes, critiques littéraires et musicales, essais. Plusieurs de ses oeuvres sont traduites en français.

 

On soulignera aussi que l’auteur de la puissante épopée Printemps olympien fut parmi les plus farouches opposants à la barbarie de la Grande Guerre. Il prononça, en 1914, un discours d’unité nationale demeuré célèbre : Notre point de vue suisse. Imago, à découvrir ou à redécouvrir, toutes affaires cessantes, en ce centième anniversaire du prix Nobel décerné à ce grand poète animé d’un idéal humaniste universel.

 

François Berger