François Berger
écrivain, avocat, éditeur (éditions Soleil d'encre)
Découvrez ci-dessous les parutions aux éditions Soleil d'encre :
Oscar-Louis Forel, Aphorismes, 2017
Fils du psychiatre Auguste Forel, Oscar-Louis Forel (1891-1982), disciple de Freud, était lui aussi un éminent psychiatre ainsi qu'un photographe de talent, un voyageur et un grand amoureux de la nature. Scientifique connu et reconnu bien au-delà des frontières du canton de Vaud dont il était originaire, ses Aphorismes sont cependant demeurés confidentiels. Ceux-ci, publiés en 1937 à Paris, étaient tombés dans l'oubli. La haute tenue de ces pensées imposait une réédition. S'y est lancée la jeune maison d'édition neuchâteloise Soleil d'Encre, réédition rendue possible grâce à l'aimable autorisation des héritiers d'Oscar-Louis Forel.
Ces maximes et pensées s'inscrivent dans la grande tradition des moralistes tels la Bruyère, La Rochefoucauld, Joubert, Cioran, d'autres encore, dont Forel est un digne héritier. Ces aphorismes, «enfants terribles de l'esprit, mordants toujours par leurs flèches enduites de miel, d'humour ou de fiel», témoignent de l'infatigable curiosité universelle de son auteur. Est-ce durant ses nombreux voyages que vint à l'esprit de cet humaniste marié et père de famille cette pensée si bien. traduite : «Les hommes solitaires ont une âme de nomades ». Présence, à travers ses pensées, non seulement du philosophe mais aussi du thérapeute qu'il fut sa vie durant: «L'angoisse est une peur qui ne voit pas son objet parce qu'il est en nous». Pour ce fin connaisseur de l'âme humaine «L'ingratitude est souvent une espèce de remords» et «L'homme en mal d'amour, de chasseur devient gibier».
Confiant dans l'avenir de l'art qui aura «le dernier mot», Forel demeure critique face aux «savants qui croient expliquer l'art par l'analyse de ses chefs-d'oeuvre et font penser aux enfants qui cassent leur poupée pour en connaître la structure». Tant de perles à découvrir tout au long de cette centaine de pages qui constituent une cure d'altitude mentale accessible à chacun et à déguster sans modération !
François Berger
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Paul Valéry, La Crise de l’Esprit et autres textes, préface de François Berger, 2018
Peu après la mort de Paul Valéry qu’il rencontra à plusieurs reprises, Daniel Simond écrivait : On ne simplifie pas sans dommage une pensée aussi pénétrante, aussi multiple, aussi articulée, aussi peu schématique que celle de Paul Valéry. Mais il faut bien la ramener à quelques affirmations sommaires et fondamentales, si l’on veut tenter d’expliquer le soulagement qu’elle peut apporter à ceux qu’à la fois attirent les méthodes de l’intelligence et qu’effraient les excès, trop réels hélas, de l’abstraction pure.
La majorité des écrits de cet illustre poète et prosateur étant brefs, cela nous a permis d’éviter de n’en publier que des extraits. Les textes ici rassemblés, dont La Crise de l’Esprit, L’Européen, La Soirée avec Monsieur Teste, suivis, pour la poésie, d’Ebauche du serpent et du Cimetière marin, sont complets. Si nous n’avons pas retenu des études telles que l’Introduction à la Méthode de Léonard de Vinci ou, pour la poésie, La Jeune Parque, la plupart des thèmes chers à Valéry se trouvent dans ce volume, du moins l’espérons-nous. Tout chez lui est ramené à la mesure de l’homme rendu à lui-même et à sa destinée.
François Berger
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François Berger, Les indiennes, tentative de restitution d’un tableau romantique, (réédition du livre de poésie en prose paru en 1988 chez Eliane Vernay, Genève), réédition aux Editions Soleil d’encre, Hauterive, 2019
Les indiennes: les toiles peintes, la terrasse à l'odeur des fruits mûrs, les chaises blanches de l'été, la petite qui semble avoir grandi depuis ce matin, mais aussi le collier et le billet d'amour, peuplent ce monde où les indienneurs se souviennent d'un jeune homme défilant avec les drapeaux.
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Carl Spitteler, Prix Nobel de littérature 1919, IMAGO (Roman), réédition aux Editions Soleil d’encre, Hauterive, 2019
Le jeune Victor revient dans la ville de son enfance. Il caresse l’espoir de retrouver Theuda Wyss qu’il avait renoncé à épouser, étant alors sans situation. Depuis elle s’est mariée à un notable et a un enfant. Il tente de la reconquérir. D’abord moqueur avec elle, se couvrant de ridicule, il devient ensuite aimable, et même ami du couple. Theuda, qui l’a rejeté et méprisé dès son arrivée, semble finir par s’éprendre de lui. Un scandale est sur le point d’éclater. Que va faire Victor ?
Imago, paru en 1906, passionna Freud qui considérait Spitteler comme un de nos grands poètes contemporains. Le père de la psychanalyse n’était pas le seul (Jung, Nietzsche, Walter Benjamin, Romain Rolland). Avec l’accord de l’écrivain, il donna le titre de son livre à sa première revue. Si ce roman appartient à l’histoire de la psychanalyse, il tient avant tout une place importante dans l’histoire de la littérature fidèle à la tradition allemande où règne la femme interdite. Si la description des émois intenses de l’amour vécu par Victor demeure centrale et magistralement orchestrée, Spitteler ne se prive pas, à travers la peinture de ce village suisse du début du vingtième siècle, de lancer ses piques : Les gens polis sont tous plus ou moins hypocrites (…) Lui un génie ? Certes, un de ces milliers de génies avortés comme chaque famille en a un en réserve (…) Les qualités personnelles ne sont pas des armes à longue portée.
Mais qui donc était Carl Spitteler, injustement oublié ? Unique Prix Nobel suisse de littérature (1919), excepté Hermann Hesse, qui l’obtint en 1946, mais qui fut Allemand avant d’être naturalisé Suisse. Né à Liestal en 1845, décédé à Lucerne en 1924, il étudia le droit et la théologie. Cet esprit volontiers voltairien révolté contre Dieu et le destin fut cependant consacré pasteur, mais sans avoir charge de paroisse car il devint précepteur privé durant huit ans à Saint-Pétersbourg. A son retour en Suisse il enseigna les langues classiques, l’allemand, l’histoire. En 1883 il épousa Marie Op den Hooff qui lui donnera deux filles et dont l’héritage leur permettra de mener une existence très aisée, ce qui était loin d’être le cas auparavant. Notre poète fut également journaliste et feuilletoniste, voyageur, conférencier, et ce furent Paris, Budapest, Rotterdam, Rome, Pompéi, Milan, l’Allemagne. Son oeuvre est fort riche : épopées, romans, récits, recueils de poèmes, critiques littéraires et musicales, essais. Plusieurs de ses oeuvres sont traduites en français.
On soulignera aussi que l’auteur de la puissante épopée Printemps olympien fut parmi les plus farouches opposants à la barbarie de la Grande Guerre. Il prononça, en 1914, un discours d’unité nationale demeuré célèbre : Notre point de vue suisse. Imago, à découvrir ou à redécouvrir, toutes affaires cessantes, en ce centième anniversaire du prix Nobel décerné à ce grand poète animé d’un idéal humaniste universel.
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Claude Frochaux, L'Ordre humain, préface de François Berger, 2021
L'Ordre humain a été publié en 2020 dans la prestigieuse revue Le Débat (Gallimard), laquelle a cessé de paraître. Une réédition de cet essai s'imposait et nous voulions rendre celui.ci accessible aux lecteurs de Suisse romande.
Que s'est-il passé entre 1960 et 1975 pour que plus rien. ne soit comme avant ? Le religieux s'est effondré, les productions culturelles connaissaent un affaissement inquiétant, d'abord nié puis reconnu.
Notre Histoire, celle que nous avons vécue, était entre les hommes. Frochaux considère ce schéma comme périmé. Avant 1960-75 : prépondérant de la nature sur l'homme. Après : celle de l'homme sur la nature et l'avènement d'un monde nouveau. La seconde Histoire prend son envol quand l'humain dit non à la nature, tournant le dos à Francis Bacon (On ne vainc la nature qu'en lui obéissant). Au cours des sièces elle est peu à peu conquise par le savant découvrant ses lois, le technicien ingénieux, le voyageur, l'industriel.
Ce récent essai de Claude Frochaux voudrait apporter un nouvel éclairage en revisitant l'Histoire de l'humanité sous un angle diffé-rent.
En la redécouvrant ne se donne-t-on pas les moyens de mieux comprendre notre époque devenue déroutante à plus d'un titre?
François Berger |
Les indiennes, réédité augmenté d'illustrations, 2022
Les indiennes: les toiles peintes, la terrasse à l'odeur des fruits mûrs, les chaises blanches de l'été, la petite qui semble avoir grandi depuis ce matin, mais aussi le collier et le billet d'amour, peuplent ce monde où les indienneurs se souviennent d'un jeune homme défilant avec les drapeaux.
Tentative de restitution d'un tableau romantique ? Sans doute, et pour notre joie. Mais la démarche du poète vise, avant tout, un autre but : dire que la "vraie vie" n'est point "ailleurs" mais ici, dans notre lieu aux mots les plus simples, le pain, le baiser, où toute promesse s'accomplit. C'est là sa véritable tentative, certes ambitieuse, mais réussie. Et si "demain n'existe pas, pourtant nous y serons comblés. Le bonheur ne nous quitte jamais. Mais souvent distraits nous le cherchons. Il bouge peu, comme la lumière."
Poésie en prose, dont on se plaît à souligner la qualité de la vision et la parfaite cohérence, ce livre de François Berger, publié la première fois en 1988, apparaît comme l'esquisse de sa démarche romanesque menée depuis.
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